Entre ombre et lumière, Cesare Capitani nous plonge dans la vie trépidante et tumultueuse du Caravage. En adaptant le fascinant roman de Dominique Fernandez, La Course à l’abîme, il nous entraîne au plus prés de ce génie incompris de la peinture. Il en dessine les moindres traits, les plus petites failles. Flamboyant, outrancier, provocateur, il a peint comme il a aimé, comme il a vécu, sans limite, sans retenue. Époustouflant !

Dans le noir, une voix cristalline s’élève. Elle entonne une aria intense, touchante de Monteverdi. Eclairée d’une bougie, le visage d’une femme apparaît au fond de la scène. Belle, les traits purs, elle annonce l’arrivée au monde de Michelangelo Merisi. Issu de la classe moyenne milanaise, il naît sous les meilleurs auspices, ceux du Marquis Sforza et de sa femme la Comtesse Colonna, qui sera pour lui un précieux soutien tout au long de sa courte vie.

Enfant turbulent, orphelin de père, il devient rapidement l’apprenti d’un artiste milanais sans envergure vivant à Bergame. Très vite, le jeune Michelangelo voit les limites de ce dernier. Visionnaire, il rêve de moins de fioritures et de plus de réalisme. Il finit par quitter sa Lombardie natale pour Rome, la ville des peintres. Ardent, emporté, il se jette à corps perdu dans sa passion, dans la vie. Séducteur, le bel italien charme tous ceux qui l’approchent, de la femme du boulanger, au sicilien Mario, qui lui restera fidèle jusqu’à la mort.

Intransigeant, refusant les compromis, il impose son style, son fameux clair-obscur qui charge de réalisme et d’érotisme ses toiles. Subjuguant ses contemporains, il heurte la morale et devient la bête noire de l’inquisition. S’appliquant à peindre des sujets religieux afin de calmer ses détracteurs à la demande de ses protecteurs, il ne peut s’empêcher de braver les interdits. Ne cachant pas son appétit pour les garçons et les voyous, il s’amuse à prendre pour modèles pour ses saints et ses vierges, ses amants et d’accortes prostituées. Il brûle sa vie par les deux bouts. Excessif, colérique, impulsif, il se complaît dans la souffrance qu’il croque magistralement dans ses tableaux. Incapable d’être heureux, idéaliste, il se laisse emporter  à vive allure par ses démons jusqu’à la mort sur une plage abandonnée non loin de Rome.
Saisi par cette évocation du Caravage, on en oublie l’interprète, le fascinant Cesare Capitani. Il ne cherche pas à incarner le grand homme, il l’est jusqu’au fond de son être, de son âme. Visage anguleux, cheveux bouclés noir de jais, il en a la verve, la faconde. Cynique, un brin narcissique, aimant la chair et le stupre, il redonne vie à l’artiste. Il se glisse dans sa peau, dans cette existence tourmentée qui flirte en permanence avec l’abîme. En s’appuyant sur l’œuvre-fleuve de Dominique Fernandez, il nous amène au plus prés du processus créatif imbriquant avec ingéniosité vie et œuvre. Pris dans le tourbillon des passions et des tourments de l’homme, on se laisse totalement happer par le travail précurseur de l’artiste, par son apport révolutionnaire à la peinture.

 Grâce au fabuleux travail de Dorothée Lebrun sur les lumières, on semble apercevoir au détour d’une phrase, d’un mot quelques tableaux du Caravage. Jouant sur les ombres et les lumières, elle recrée les fascinants clair-obscur de l’artiste. Ainsi, Moi, Caravage est un voyage extraordinaire et bouleversant à travers le temps et l’espace au cœur de la création et de la vie palpitante et sombre d’un grand maitre de la peinture.

Olivier Frégaville-Gratian d'Amore
Informations pratiques : 
Moi, Caravage de Cesare Capitani d’après le roman de de Dominique Fernandez, La Course à l’abîme
Jusqu’au 12 mars 2017
Du mardi au samedi 18h30 et le Dimanche 16H
Durée 1h10

Générique : 
 de et avec Cesare Capitani

direction d’acteurs Nita Klein
avec en alternance Laetitia Favart  ou Manon Leroy
lumières de dorothée lebrun

chant a cappella (monteverdi, gesualdo, caccini, grancini)

Lieu : 

Théâtre du Lucernaire
53, rue des petits-champs
75006 Paris

Comment y aller ? 
métro Notre-Dame des Champs (ligne 12), Vavin (ligne 4) et Edgar Quinet (ligne 6)
Bus 58, 68, 82, 91, 94, 96

Réserver : 
sur le site du Lucernaire du théâtre
par téléphone au 01 45 44 57 34

Crédit photos : © B. Cruveiller