Caustiques, cinglants ou tendres, les mots de Colette prennent vie au studio de la Comédie-Française. Ils envahissent la salle et résonnent magnifiquement à nos oreilles. En adaptant avec malice et espièglerie, ce passionnant récit d’une des vies moins connues de l’auteure du Blé en herbe, Danièle Lebrun nous invite à un fascinant voyage au delà des cintres, des décors, des rideaux rouges et des planches. Renversant !

Sur une scène nue, Danièle Lebrun apparaît. Portant un magnifique tailleur (ensemble veste/jupe), rouge brique, rappelant les tenues de voyage des citadines de la belle époque, elle livre quelques confidences de sa vie de bohème. Comédienne, oui, elle l’est, bien sûr, mais là, c’est autre chose. Le temps d’un Singulis, elle se glisse dans la peau d’une autre artiste, d’une légende : Colette. Connue pour sa plume, l’auteure de Chéri, et de la série Claudine, a vécu de multiples vies. Pour gagner sa vie et se libérer enfin de l’emprise de son premier mari dont elle vient tout juste de divorcer, elle se lance dans une carrière de music-hall et parcourt, avec un numéro de pantomimes sauce orientale, les routes de France.

De cette expérience singulière et haute en couleur, l’écrivaine tire un récit poignant, une galerie de portraits tour à tour drôles, vibrants ou mordants. Des hôtels miteux aux discussions à bâtons rompus en passant par des histoires rocambolesques d’artistes à fleur de peau, Colette nous entraîne au-delà des murs du théâtre à la rencontre de ce monde qui grouille en coulisse et éclaire de son captivant témoignage les conditions de vie des saltimbanques du siècle dernier. Si les choses ont changé, cent ans plus tard, certains travers, certaines anecdotes restent cruellement d’actualité. Il fallait tout le talent de Danièle Lebrun pour donner corps à ce texte pittoresque.
En s’appropriant les mots de l'auteure de Gigi, la sociétaire de la Français fait revivre toute une époque. S’inspirant des pantomimes de Colette, une heure trente durant, elle nous embarque dans son sillage sur les routes de France. Malgré le peu d’éléments de décors - quelques chaises, une table, un escabeau de bibliothèque - , on imagine aisément ce café de gare où deux comédiennes conversent, ce train de la ceinture parisienne ramenant à leur domicile spectateurs et artistes conjurant la peur de la guerre, ou cette chambre miteuse d’un hôtel de province. Fascinante, primesautière, en un clin d’œil, elle passe avec une aisance concordante d’un personnage à l’autre. D’une voix enfantine, elle est cette jeune première écervelée parlant à tort et à travers. Puis plongeant dans les tonalités plus graves de sa tessiture, elle est ce régisseur bourru qui exploite sans vergogne les artistes dont il s’occupe.

De son jeu nuancé et flamboyant, de son interprétation bouleversante, éclatante, Danièle Lebrun offre une magistrale leçon de théâtre et montre, si c’était encore nécessaire, qu’elle est une grande parmi les grandes. Un spectacle singulier à voir et revoir, une fantaisie burlesque de haute volée, une gourmandise théâtrale à savourer sans tarder.

Olivier Frégaville-Gratian d'Amore
Informations pratiques : 
 L’envers du music-hall de Colette
Festival Singulis
jusqu'au 5 mars 

Générique : 
Mise en scène de et avec Danièle Lebrun
Adaptation et collaboration artistique : Marcel Bluwal

Lieu : 
Studio de la Comédie-Française
Carrousel du Louvre
99, rue de Rivoli
75001 Paris

Comment y aller ?
métro : Palais royal- Musée du Louvre ligne 1 (accès direct à la galerie du Carrousel)
Bus :  21, 27, 39, 48, 67, 68, 69, 81, 95
Parkings : Carrousel du Louvre, entrée av. du Général-Lemonnier (accès direct à la galerie du Carrousel)

Réserver ?
Location 01 44 58 98 58
du mercredi au dimanche de 14h à 17h
Fax location 01 42 60 35 65
site internet de la Comédie Française - réservation

Crédit photos : © Vincent Poncet, collection Comédie Française