C’est le cri déchirant d’une femme contre le machisme ordinaire, contre une société misogyne. C’est la voix lucide d’un être abîmé par la vie, le mâle orgueil, et des situations ubuesques lui rappelant son appartenance au sexe faible. Toute en verve, Muriel Gaudin s’empare fougueusement, viscéralement du brûlot de Pierre Notte. Une parole plus féminine que féministe à entendre sans tarder.

Alors que le public s’installe dans la petite salle du théâtre du Poche-Montparnasse, une femme, de noir vêtue, pieds nus, attend sur scène. Quelques accessoires l’entourent, dont une table sur laquelle sont posés un verre et une bouteille, une chaise et des escarpins rouges couchés sur le côté. Loin d’être en retrait, la jeune comédienne (impressionnante, enflammée Muriel Gaudin) discute avec les premiers arrivants et souhaite un bonsoir aux suivants. Très vite, pour détendre l’atmosphère, elle propose un petit quizz ou chaque bonne réponse est récompensée d’une pastille de menthe : retrouver l’auteur de telle citation misogyne, de telle parole de chanson machiste ou des données glaçantes qui montrent tout le chemin encore à parcourir pour voir l’ébauche d’une égalité entre les sexes.

Ce prologue amer dresse le constat peu flatteur d’une société ancrée dans un machisme crasse, un monde que notre héroïne, cette femme ordinaire ne supporte plus. Un geste déplacé, et pourtant si banal, va déclencher une réaction en chaîne violente, inouïe contre cet état de fait intolérable, malgré les avancées féministes de ces cinquante dernières années, nous vivons toujours sur le joug d’un paternalisme misogyne, qui a tendance en ces périodes de crises politiques et sociales à s’exacerber. Alors qu’elle marche tranquillement dans la rue, un cycliste, la main baladeuse, lui claque les fesses. Elle s’écroule sous le choc émotionnel. L’homme continue sa route sans un mot sans un geste dans un immense éclat de rire qui annihile les dernières forces de notre jeune protagoniste, qui reste ainsi au sol, prostrée, hébétée, incapable de se relever. 
De cet acte d’une violence ordinaire et inouïe dont il a été le témoin, Pierre Notte imagine, de sa plume acérée, vive, le ressenti de cette femme ainsi échouée à terre, l’impact que cela va avoir sur ses relations aux autres hommes de sa vie : son père, son frère, ses collègues, son amoureux. Homme lucide, sensible, il signe un texte bouleversant, féroce, fait d’une seule phrase, un cri qui déchire le silence, qui ranime nos consciences engourdies dans la bien-pensance, dans le doux espoir qu’un jour prochain homme et femme seront égaux. 

Mais c’est dans la verve crue, ardente de l’impressionnante Muriel Gaudin qu’est exposé aux vues de tous, la violence d’un monde vil qui réveille les pires instincts masculins. Femme flamme, femme incandescente, telle une vénus sortie des eaux, elle se révèle à elle-même et aux autres. Un geste déplacé, et c’est une combattante, en lutte contre cette société engluée dans un sexisme sordide, hideux, qui naît. De sa bouche, c’est un flot de mots qui jaillit avec une violence prodigieuse, une diatribe que rien n’épuise, ni le temps, ni les hommes qui l’entourent prompt à la reconnaître hystérique plutôt que de modifier leur point de vue. 

Pris à la gorge par la vibrante confession de cette femme à fleur de peau, sonné par ce coup-de-poing qui expose le monde tel qu’il est, machiste et sexiste, loin de l’idéal rêvé, on se laisse totalement subjugué par l’intense jeu d’une comédienne hors pair et par la beauté féroce de ce manifeste féminin plus que féministe. Un spectacle citoyen à voir de toute urgence !… 

Olivier Frégaville-Gratian d'Amore 
Informations pratiques : 
L'histoire d'une femme de Pierre Notte
jusqu’au 7 mai 2017
du jeudi au samedi 19h dimanche 17h30
durée 1h10

Générique : 
mise en scène de Pierre Notte
avec Muriel Gaudin
lumières Antonio de Carvalho

Lieu :
Théâtre de Poche-Montparnasse
75 Boulevard du Montparnasse
75006 Paris

Comment y aller ? 
Métro lignes 4, 6, 12, 13 (Montparnasse-Bienvenüe), sortie n°5 Boulevard du Montparnasse
Bus 96, 95, 94, 92, 91, 89, 82, 58
Parking sous la tour Montparnasse, parking FNAC rue de Rennes
Taxi station place du 18 juin
 
Réserver : 
Par téléphone : 01 45 44 50 21 - Tous les jours de 14h à 18h
Par internet : sur le site dédié du théâtre du Poche-Montparnasse

Crédit photos : © Victor Tonelli