Revenues de l’enfer de la guerre, de la persécution, échappées de justesse à l’insurrection du ghetto de Varsovie, deux voix, celles d’un jeune garçon et de sa cousine, s’élèvent dans le silence assourdissant d’une mémoire commune que beaucoup aimerait ne pas voir ressurgir. Ravivant des plaies enfouies, David Lescot libère une parole trop longtemps tue qui touche en plein cœur. Bouleversant !

Le plateau semble bien vide. Seules deux chaises abandonnées hantent les lieux. Dans la pénombre, deux silhouettes apparaissent. Lentement, elles prennent place. L’homme se met sur le devant de la scène. La femme (intense Marie Desgranges), un peu en arrière. De sa voix douce, elle questionne, interroge, cherche des réponses dans les souvenirs de Paul Felenbok (remarquable Antoine Mathieu). Le brillant astrophysicien, âgé de 77 ans, a eu une autre vie avant d’arriver en France à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Né en 1935, à Varsovie en Pologne, dans une famille juive, il a connu l’horreur, l’arrivée des nazis, les privations, l’enfermement dans le ghetto. Bientôt leurs rôles s'inverseront. 

Imperceptiblement, on quitte l’ambiance ouatée du vieux théâtre parisien, pour la rue de Leszno. Dans les appartements situés au-dessus de l’entreprise familiale, tous les Felenbok sont réunis. Alors que les restrictions envers les Juifs sont de plus en plus drastiques, la vie s’organise. Les enfants, encore insouciants, jouent dans la cour. Dehors, les tensions sont palpables. Les grands s’organisent pour sauver ce qui peut l’être. D’autant que l’oncle et la tante, les parents de Wlodka Blit-Robertson, la cousine de Paul âgée de 11 ans à l’époque, qui racontera plus tard son histoire, font partie des instances politiques juives en lien avec la municipalité de Varsovie. Alors que les persécutions et les déportations s’intensifient, que les brimades deviennent féroces et les coups mortels, que l’insurrection semble inévitable, l’un par les égouts, l’autre par une échelle, fuient le ghetto avant sa chute. Loin d’être la fin de leurs tourments, d’autres épreuves vont marquer à jamais la vie de nos deux protagonistes.
Plongeant dans la mémoire de ces deux rescapés du ghetto de Varsovie, David Lescot ne cherche pas à faire du sensationnel, mais bien à redonner la voix à ceux qui l’ont trop souvent tue par pudeur, par nécessité d’occulter pour survivre, pour vivre. D’origine juive polonaise également, l’auteur et metteur en scène s’est vu proposer ce sujet délicat, en lien étroit avec l’histoire de ses ancêtres, par l’administratrice de sa compagnie, Véronique Felenbok, la fille de Paul. L’approche de la mort, a décidé l’enfant d’autrefois, le petit garçon, à conter ses sombres péripéties, à libérer sa parole, ainsi que celle de sa cousine, Wlodka. Avec délicatesse et simplicité, ils livrent leurs témoignages sur un des épisodes les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale. 

Refusant de tomber dans toutes formes de pathos, de victimisation, David Lescot s’est libéré de tout décorum, laissant les mots envahir l’espace. Le texte prend le pas sur le jeu sobre des deux comédiens, tous les deux excellents. Extraits de mémoires toujours vives de Ceux qui restent, ses souvenirs ravivés captivent nos esprits et nous rappellent de ne jamais oublier l’indicible. Mêlant leurs récits, le dramaturge signe une pièce rare, poignante, un moment de théâtre saissisant, terriblement humain. 
Informations pratiques : 
Ceux qui restent d’après les paroles de Paul Felenbok et Wlodka Blit-Robertson
jusqu’au 9 décembre 2017
du mardi au samedi 19h
durée environ 1h10

Générique :
Conception et mise en scène de David Lescot
avec Marie Desgranges et Antoine Mathieu

Lieu : 
Théâtre Déjazet
41, Boulevard du Temple
75003 Paris


Réserver : 
par le téléphone 01 48 87 52 55
sur le site internet du théâtre Déjazet 

Comment y aller  ? 
Métro Ligne 3, 5, 8, 9 & 11 station République
Bus ligne  20, 56, 65 & 75
Station Vélib n° 3004 et 11037
Parking 50 rue de Malte dans le 11ème ou 132, rue du Temple dans le 3ème

crédit photos : © Christophe Raynaud de Lage