Une silhouette singulière, longiligne, hante le plateau. Sourire narquois, regard inquisiteur, elle impose sa présence dérangeante cherchant dans l’âme de chacun sa noire vérité. S’appropriant cette pièce en un acte d’Harold Pinter, Thierry Harcourt scrute avec finesse les fausses vérités, les petits mensonges qui fissurent les couples et esquisse un portrait sombre, amer des amours possessives.

En parallèle de ce couple que la jalousie abîme, un autre ménage se voit menacé par l’imagination prolixe et déconcertante de James, celui du riche Harry (imposant Thierry Godard), mécène du jeune et talentueux Bill (falot Davy Sardou), nouvelle gloire de la mode londonienne. Tard, dans la nuit, c’est un coup de fil impromptu qui va lentement effriter les étranges fondations de ce duo d’hommes, où se mêlent désirs inavoués, tendresse contenue et admiration respective. Alors que la silhouette omniprésente, sinistre de James s’impose à tous nos protagonistes, une seule question reste sans réponse claire, mettant ce dernier au supplice, Stella l’a t-elle trompé avec Bill lors d’un salon à Leeds ?

Avec une jubilation presque perverse, Harold Pinter se délecte des errances du couple, des petits accrocs au contrat qui les entraînent inéluctablement vers une triste fin programmée. De sa plume incisive, acide, il dissèque les mécanismes insidieux qui mènent vers l’inexorable implosion qui menace toute relation amoureuse et amicale. S’emparant de ce texte âpre, Thierry Harcourt signe une mise en scène ingénieuse, efficace et conforme aux volontés du dramaturge. Séparant le plateau en deux espaces certes distincts, mais aux frontières floues et s’appuyant sur le jeu de lumière savamment pensé par Jacques Rouveyrollis, il entraîne ses comédiens dans une ronde en clair-obscur des passions humaines que menacent l’ombre inquiétante de la jalousie.
Happé par ce thriller psychologique dont on sent en permanence la tension, on se laisse doucement séduire par la lumineuse Sara Martins, le charme bourru de Thierry Godard, et l’évanescence de Davy Sardou. Mais c’est Nicolas Vaude qui nous attrape pour ne jamais nous relâcher. Passant de l’amabilité à l’âpre brusquerie, de la gentille familiarité à la plus brutale des rudesses, il nous tient en haleine jusqu’à la dernière minute. Il est sans contexte le joyau de cette comédie de mœurs sombre et acide.

La collection d’Harold Pinter
à partir du 2 février 2018
du mardi au samedi à 19h & les dimanches à 17h
durée 1h05
Générique :
adaptation française d’Eric Kahane
mise en scène de Thierry Harcourt assisté de Stéphanie Froeliger
avec Sara Martins, Davy Sardou, Nicolas Vaude & Thierry Godard
lumieres de Jacques Rouveyrollis
costumes de Jean-Daniel Vuillermoz
décor de Marius Strasser
Musique d’Eric Labia
Lieu :
Théâtre de Paris-Salle Réjane
15, rue blanche
75009 Paris
Réserver :
au guichet du théâtre : 15, rue Blanche - Paris 9ème
par téléphone 01 42 80 01 81
par internet sur le site dédié du théâtre
Comment y aller ?
En Métro : station la Trinité d’Estienne d’Orves (ligne 12), Blanche (ligne 2), Saint-Lazare (ligne 3, 12, 13, 14), Liège (ligne 13) & Chaussée d’Antin (lignes 9, 7)
En bus : Ligne 26, 32, 43, 68, 74, 81 (Saint-Lazare, Trinité, Moncey…)
En RER : Auber (Ligne A) & Haussmann Saint-Lazare - (Ligne E)
En vélib' : N° 9028 - 4, rue Moncey
En voiture : parking - 29 rue de Londres, 75009 Paris & 10-12 rue Jean Baptiste Pigalle, 75009 Paris
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