Le cœur vibrant de Céline Milliat-Baumgartner bat un peu plus furieusement, un peu différemment du nôtre. Marquée, beaucoup trop, au fer rouge du deuil, elle nous plonge avec tendresse, poésie et humour dans les bribes heureuses, nostalgiques de ses souvenirs d’enfant. Délicatement mis en scène par Pauline Bureau, ce seul-en-scène sur la résilience est un cri féroce, sensible à la vie.

Dans l’obscurité la plus totale, une douce voix conte froidement le terrible et mortel accident qui s’est produit sur la N13 en cette nuit tragique de juin 1985. Cliniquement, elle décrit la voiture carbonisée, les deux corps cramés, enchevêtrés, les dégâts causés à la voirie. Le constat terminé, côté cour, délicatement, une silhouette de jeune femme apparaît. Elle a des allures d’enfant sage. Brune, le regard espiègle bien que voilé d’une ombre mélancolique, Céline Milliat-Baumgarten reprend le fil de l’histoire tout en apportant sur scène un étrange carton, qui contient, on imagine les vestiges de sa vie d’avant le drame, les souvenirs de ceux qui ont disparu. 

Tout d’abord, c’est le visage de sa mère qui lui revient en mémoire. Il faut dire qu’elle a de nombreuses photos de cette grande dame élégante, séduisante qui a été la femme de Depardieu à l’écran dans un film de Truffaut. Si elle n’y reconnaît pas sa douceur, sa personnalité, ce singulier témoignage ancre en elle sa voix, son allure. Puis, c’est l’unique photo de son père qu’elle a conservée, qui lui rappelle combien il était beau, comme elle aurait pu en tomber amoureuse. 

Par touches délicates, la jeune femme dresse le portrait de ses parents trop tôt disparus. Elle se souvient des jours heureux, de ces petites joies du quotidien qui ont donné à son enfance des airs de fête. Puis, avec douceur et poésie, elle gratte le vernis de cette famille idyllique, idéalisée. Elle conte les engueulades, les petites manies de sa mère, ses superstitions. Elle livre avec un humour furieux les bévues de ses camarades mal à l'aise avec le deuil, avec le statut d'orpheline qui lui échoie désormais. Elle évoque son jeune frère, dont elle sera dorénavant l'ainée protectrice, attentionnée.
Portée par la mise en scène fine, onirique et épurée de Pauline Bureau, qui nous avait déjà captivé par Mon cœur, son spectacle évoquant avec éloquence et intelligence le scandale du Médiator, Céline Milliat-Baumgartner déroule à tous les temps le fil de sa singulière et intime histoire. Sans rien omettre de ses peurs, de ses doutes, de ses joies, de ses peines, elle nous entraîne sur le chemin délicat, douloureux et semé d’embûches de la résilience. Sans jamais tomber dans le pathos, avec une pudeur extrême, elle ouvre sa boite aux souvenirs ceux qu’elle chérit, qu’elle étreint, mais aussi ceux qu’elle garde à distance pour éviter de rouvrir des blessures qu’on imagine encore vives. 

Vibrante, humaine, Céline Milliat-Baumgartner refuse de s’apitoyer sur son sort et délie avec une tendresse infinie une parole salvatrice, émancipatrice. Les effets de miroir imaginés par Pauline Bureau et sa scénographe Emmanuelle Roy, les vieilles vidéos en super 8 surgissant du carton mémoriel, soulignent les mots empreints de lyrisme, d’humour et d’amour de la jeune femme que la maternité a libéré de ses démons intérieurs et enfouis. 

Ces bijoux de pacotille, derniers vestiges d’une nuit où les destins de ses parents sont partis en fumée, touchent à l’âme, au cœur. Un moment hors du temps fait de grâce, de lucidité. Une confession théâtrale émouvante et sensible à découvrir de toute urgence. Bouleversant !
Informations pratiques : 
Les bijoux de pacotille de Céline Milliat-Baumgartner
jusqu’au 31 mars 2018
du mardi au samedi à 20h30 et le dimanche à 15h30 - relâche les lundis et le 11 mars 2018
Durée 1h10

Générique : 
Mise en scène de Pauline Bureau
Avec Céline Milliat-Baumgartner
Scénographie d’Emmanuelle Roy
Costumes et accessoires d’Alice Touvet
Composition musicale et sonore de Vincent Hulot
Lumières et régie générale : Bruno Brinas
Dramaturgie de Benoîte Bureau
Vidéo de Christophe Touche
Magie : Benoît Dattez
Travail chorégraphique : Cécile Zanibelli

Lieu : 
Théâtre du Rond-Point - salle Roland Topor
2bis, avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Comment y aller :
Métro : Franklin D. Roosevelt (lignes 1 et 9)
ou Champs-Élysées Clemenceau (lignes 1 et 13)
Bus : lignes 28, 42, 73, 80, 83, 93
Vélib’ stations les plus proches : n° 8031 > 2 rue Jean Mermoz
n° 8039 > 6 rue du Colisée, n° 8013 > 24 rue de Marignan
n° 8030 > 25 rue Bayard
Autolib’ stations les plus proches : 7 Rue François 1er, 38 Rue François 1er, 2 Avenue Matignon
Parking 18 avenue des Champs-Élysées
ou 17 avenue Matignon

Réserver :
Sur place : du mardi au samedi de 12h à 21h (réservation jusqu’à 19h) / le dimanche de 12h à 16h
par téléphone au 01 44 95 98 21 : du lundi au samedi de 11h à 19h / le dimanche de 12h à 16h
par internet sur le site dédié du théâtre du Rond-Point

Crédit illustration de l'Affiche : © Stéphane Trapier
Crédit photos : © DR