Sur la scène du théâtre Antoine, Richard Berry se glisse dans la peau de cinq ténors du barreau et (re)plaide de grandes affaires judiciaires, véritables marqueurs de notre société et de son état. Avec fougue et mordant, le comédien fait vibrer, qu'il soit partie civile ou avocat de la défense, sa fibre d’orateur et interpelle nos consciences. Un moment de théâtre captivant qui manque, peut-être, un tout petit peu de nuance. 

Sur une scène dépouillée, un écrin gris foncé, où seuls, un pupitre de bois côté cour et une patère côté jardin, servent de décor, Richard Berry fait son entrée. Sobrement habillé d’un pantalon gris, d’une chemise bleu clair, il pénètre dans l’arène. Il se prépare pour son premier plaidoyer. Il enfile sa robe d’avocat. C’est partie. Il est Henri Leclerc. Il défend Véronique Courjault, accusée d’infanticide. Les mots sont choisis. Il n’épargne rien de l’horreur du geste. Il ne cherche nullement à en cacher la véracité, mais tente avec maestria, à en minimiser la monstruosité. Oui, sa cliente est coupable, mais elle n’est pas l’ogresse que l’on présente, mais une femme perdue victime de ce mal peu reconnu, le déni de grossesse. 
 
Avec la même force, la même combativité, le même ton, le comédien enchaîne les plaidoiries. Il est Michel Zaoui défendant les victimes des crimes contre l’humanité perpétrés par Papon. Il est Paul Lombard qui souhaitant éviter la peine capitale à Christian Rannucci, accusé d’enlèvement et de meurtre sur une fillette de huit ans, s’attaque avec virulence et clairvoyance à la peine de mort. Il est Jean-Pierre Mignard, l’avocat des familles des deux adolescents électrocutés à Clichy-sous-Bois, qui mettra en cause deux policiers pour non-assistance à personne en danger. Affaire qui mit le feu aux poudres et embrasa les cités en 2005. Enfin, il redonne vie au mythique plaidoyer de la féministe Gisèle Halimi en lutte contre la dictature du patriarcat, qui ouvrit la voie à la loi Veil qui dépénalise l’avortement et autorise enfin les femmes à disposer de leur corps. Ce dernier moment est magique, électrique. Il réveille notre combativité pour que plus jamais ce droit inaliénable soit remis en cause et pour qu’enfin d’autres pays en soit pourvu. 
En choisissant avec Eric Théobald, son metteur en scène, ces thématiques, ces plaidoiries qui ont marqué l’histoire de la justice, recueillis par Matthieu Aron, Richard Berry ne s’est pas trompé. Il tape juste et parle, à travers ces procès, de notre société, de ses évolutions, de ses errances. Il questionne nos propres convictions en plaçant le public dans le rôle de juré. On ne se contente pas d’écouter ces textes ciselés, de se laisser séduire par cet art oratoire, mais bien de réfléchir aux mots, d’imaginer ce que nous aurions pu voter, coupable ou non-coupable. 
 
Si l’on aurait aimé que le comédien incarne différemment chacun des avocats, on est saisi par son talent de tribun, sa force de conviction. En poussant la porte de ce tribunal au théâtre, c’est un peu de notre histoire, celle de notre société que l’on appréhende avec beaucoup d’intelligence et de finesse.
 
Par Olivier Frégaville-Gratian d'Amore

Informations pratiques:
Plaidoiries d’après Les grandes plaidoiries des ténors du barreau de Matthieu Aron
Texte édité aux Éditions Mareuil
A partir du 12 septembre 2018
Du mercredi au samedi à 19h00
Durée 1h15 environ

Générique : 
Mise en scène d’Eric Théobald
Avec Richard Berry
Et les textes de Henri Leclerc (dans le procès de Véronique Courjault accusée d'infanticide), Michel Zaoui (au procès Papon), Paul Lombard (qui s'attaque à la peine de mort en voulant éviter la peine capitale à Christian Ranucci), Jean-Pierre Mignard (dans la défense des familles des deux adolescents morts électrocutés à Clichy-sous-Bois), Gisèle Halimi (qui dénonce une loi obsolète qui empêche les femmes à disposer librement de leur corps)

Lieu :
Théâtre Antoine
14 boulevard de Strasbourg
75010 Paris

Réserver :
par téléphone au 01 42 08 77 71 du lundi au samedi de 11h à 19h, le dimanche de 11h à 17h
Au guichet : La billetterie du théâtre est ouverte du lundi au samedi de 11h à 19h et le dimanche de 12h à 17h
Par internet sur le site dédié du théâtre

Comment y aller ?
En métro : Descendre à la station Strasbourg - Saint-Denis (lignes 4, 8 ou 9) ou à la station Château d’eau (ligne 4).
En bus : Descendre à l'arrêt Porte Saint-Denis (lignes 20, 39) ou à l'arrêt Château d'eau (lignes 38, 39, 47)
Parking à proximité : le parking Sainte Apolline, 21 rue Sainte Apolline
 
 crédit photos : © Céline Nieszawer